Le 29 septembre 2021, le master Archives recevait (virtuellement) Emilie Gagnet Leumas, titulaire d’un doctorat américain en études françaises, archiviste et records manager depuis 25 ans. Sa pratique dans le domaine de la prévention et la gestion des sinistres est ancienne. C’est l’ouragan Katrina en 2005, auquel elle a été personnellement confrontée (sa propre maison a été détruite), qui a donné un tournant à sa carrière dans  les archives en l’orientant vers la conservation préventive et la gestion des archives lors des catastrophes naturelles.

En effet, les archives n’ont pas été épargnées par l’ouragan Katrina et ont subi des dégâts matériels importants. Emilie Gagnet Leumas, à l’époque archiviste de l’archidiocèse de la Nouvelle-Orléans, est intervenue dans un bâtiment où les fenêtres ont été cassées, les murs et le sol partiellement détruits. Après plusieurs jours d’attente sans possibilité d’intervention, les premières actions ont consisté à appliquer des techniques de lutte contre la moisissure et la dégradation des documents par leur congélation et leur lyophilisation. L’urgence a conduit les archivistes à improviser, à utiliser du papier absorbant et des caissons de bouteilles Pepsi pour faire sécher les documents, des gommettes et du scotch fluorescent pour les identifier. Il a fallu établir des priorités dans les archives à sauver et elle a pu compter sur l’aide d’étudiants bénévoles.

Aujourd’hui, Emilie Gagnet Leumas intervient régulièrement dans des services d’archives américains et internationaux, et s’investit auprès de l’ICA (Conseil international des archives) et du Bouclier bleu. Elle se spécialise tout particulièrement dans le sauvetage d’archives après inondations et fait partie du comité exécutif de l’ICA et de son groupe d’experts sur la gestion des situations d’urgence et la préparation en cas de catastrophe.

Le sauvetage d’archives implique de prendre en compte la grande variété des types de catastrophes à travers le monde (naturelles, industrielles, humaines ou technologiques). Face à l’imprévisible, des outils sont développés par des groupes d’archivistes. Les États-Unis sont à la pointe de l’intervention en cas de sinistres d’archives compte tenu du nombre important de catastrophes naturelles que connait le pays. Dans le cadre de l’ICA et d’autres organisations, Emilie Gagnet Leumas se sert donc de son expertise pour conseiller et former des archivistes dans d’autres pays. Elle est par exemple intervenue au Suriname en février 2020 pour aider à la création de plans de prévention, afin de protéger le patrimoine culturel et de former les archivistes et pompiers à la gestion des archives en cas d’inondations, le pays étant souvent confronté à ce problème.

L’objectif de ses interventions est de coordonner les initiatives et d’échanger de bonnes pratiques dans le domaine de la gestion de l’urgence et de la préparation aux catastrophes. Il s’agit ensuite de fournir des outils qui devront être adaptés au contexte local, de faciliter la mobilisation professionnelle et la solidarité archivistique en cas de catastrophe.

On distingue traditionnellement plusieurs étapes à suivre dans le sauvetage d’archives. Le sinistre déclenche tout d’abord la Réponse, consistant à fournir une assistance immédiate de plusieurs manières : alerte, évacuation, évaluation des dommages, etc. Outre l’assistance immédiate, il faut identifier les besoins et protéger les collections et les infrastructures culturelles.

Figure 1 : Les phases du management d’urgence et de la prévention des désastres (Emilie Gagnet Leumas)

Vient ensuite le Rétablissement qui comprend l’ensemble des procédures (déménagement, stabilisations, réhabilitation des lieux, etc.) et politiques pour la restauration des collections et la reprise des activités des services à la suite du sinistre.

Figure 2 : Schéma des phases du management d’urgence et de la prévention des désastres (Emilie Gagnet Leumas)

Puis, se prépare la Mitigation des risques, qu’elle définit comme les efforts « pour réduire et éliminer les risques sur le long terme pour les ressources naturelles et culturelles et/ou les propriétés historiques, en diminuant l’impact des catastrophes ». Il s’agit de prendre conscience des risques pour mieux les affronter.

Enfin, l’étape de Préparation est une phase qui vise à mettre en place des actions de précaution en prévision de catastrophes : formations des personnels, mise en place de plans d’évacuation ou de préparations physiques (mise à disposition de fournitures d’urgence, travaux dans des bâtiments, etc.). Des outils permettent de mieux gérer des sinistres, tels que des hygromètres, des thermomètres ou le Parbica Toolkit, boîte à outils aidant à la bonne gouvernance de la sauvegarde des archives.

Bien que les institutions établissent des scénarios « parfaits », les conditions parfaites n’existent pas. Ainsi, les quatre étapes constituent un cercle d’amélioration vertueux qui vise à adopter la meilleure réponse et la meilleure préparation face aux sinistres que peuvent subir des services d’archives. Elles s’intègrent dans une gestion du risque qui consiste à identifier les risques, puis les analyser et les évaluer par ordre de priorité, en envisageant, notamment, les possibilités d’évacuation et de transport. Il s’agit ensuite de mettre en place un plan d’action pour en assurer la mise en œuvre. Enfin, vient l’étape du contrôle et de la surveillance pour améliorer en continu la gestion du risque. Le plan élaboré doit être court et faisable.

Figure 3 : Le cercle vertueux du management du risque (Emilie Gagnet Leumas)

Emilie Gagnet Leumas note que les institutions interviennent rarement avant que le désastre n’arrive, alors que des plans qui assurent la prévention de ces catastrophes et des financements à plus grande échelle devraient exister. Elle ajoute que ces catastrophes coûtent cher d’un point de vue patrimonial et financier. Aux Etats-Unis, l’Agence fédérale des situations d’urgence (FEMA) finance la réparation des sinistres mais il faudrait intervenir davantage en amont des catastrophes. De plus, au moment de ces catastrophes, la mise en œuvre des bonnes pratiques se heurte au manque de moyens. L’intérêt de dispenser des formations  est donc de donner des clés pour agir, en amont et en aval, et d’adopter les bons gestes dès l’arrivée de la catastrophe.

Vanessa Olry et Camille Rouffaud, étudiantes du master 2 Archives

Preparing for Disaster, by  Emilie Gagnet Leumas

 

On September 29th 2021, Emilie Gagnet Leumas, PhD in French studies, archivist and records manager with twenty-five years of experience, presented disaster preparedness to the master degree students in archival science. She has a long experience in the field of disaster prevention and response. It was Hurricane Katrina in 2005, which she personally experienced as her home was destroyed, that turned her career in archives toward preventive conservation and records management during natural disasters.

Indeed, the archives were not spared by Hurricane Katrina and suffered significant material damage. As the head archivist for the Archdiocese of New Orleans, Emilie Gagnet Leumas intervened in a building where the windows were broken, the walls and the floor partially destroyed. After several days of waiting with no possibility of intervention, the first actions consisted of applying techniques to fight mold and the degradation of documents by freezing and freeze-drying them. The urgency of the situation led them to improvise, using paper towels and Pepsi bottle boxes to dry documents and fluorescent stickers and tape to identify them. It was necessary to prioritize which archives to save first and she was able to count on the support of student volunteers

Today, she regularly works for U.S. national and international archival organizations, including the ICA (International Council on Archives) and Blue Shield. She is interested in the recovery of archives following floods and focuses on recovery efforts. Within the ICA, and thanks to her experience, she serves on the Executive Council Committee and the Expert Group on Emergency Management and Disaster Preparedness.

There are many types of disasters, which vary from country to country. They can be natural, industrial, human or technological disasters. As a result, groups of archivists develop tools to face the unpredictable. The United States is at the forefront of  archival disaster preparedness, due to  the large number of natural disasters in the country. Within the framework of the ICA and other organizations, Emilie Gagnet Leumas uses her expertise to advise and train archivists in other countries. For example, she intervened in Suriname in February 2020 to help create prevention plans, to protect cultural heritage and to train archivists and firefighters to manage archives in case of floods, as the country is often confronted with this problem.

The main goal is to coordinate initiatives and exchange good practices in the field of emergency management and disaster preparedness, to provide tools that must be adapted to local context and to facilitate professional mobilization and archival solidarity when disaster strikes.

 We usually present emergency management and disaster preparedness using four steps. First, the disaster triggers the Response, which consists of providing immediate assistance in several ways: alerting, evacuating, assessing the damage, etc. Needs must be identified, and collections and cultural infrastructures protected in addition to immediate assistance.

Figure 1 : Four distinct phases in emergency management and disaster preparedness (Emilie Gagnet Leumas)

Next comes Recovery, which includes all the procedures (moving, stabilizing, rehabilitating sites, etc.) and policies for recovering collections and restarting the service’s activities following the disaster.

Figure 2 : Diagram of phases in emergency management and disaster preparedness (Emilie Gagnet Leumas)

Then comes Risk Mitigation which she defines as the efforts “to reduce and eliminate long-term risks to natural and cultural resources and/or historic properties by lessening the impact of disasters”. It consists in an awareness of risks in order to better deal with them.

Finally, the Preparation stage is a phase that aims to implement precautionary actions in anticipation of disasters: training of personnel, implementation of evacuation plans or physical preparations (provision of emergency supplies, work in buildings, etc.). Tools to better manage disasters also exist, such as hygrometers, thermometers or the Parabica Toolkit, a toolbox to help with the good governance of archive preservation.

Although “perfect” scenarios are established, “perfect” conditions do not exist. Thus, the four steps constitute a virtuous circle of improvement that aims to adopt the best response and preparation for disasters that may occur in archives. They are part of a risk management process that involves identifying the risks, analyzing, evaluating,and prioritizing them considering, in particular, the possibilities of evacuation and transportation. The next step is to put in place an action plan to ensure its implementation. Finally, there is the control and monitoring stage to continually improve risk management. The plan developed must be short and feasible.

Figure 3 : The virtuous circle of risk management (Emilie Gagnet Leumas)

According to Emilie Gagnet Leumas, archives face many problems related to disasters. One of them is that institutions rarely intervene before the disaster happens, when plans should be in place in order to ensure the prevention of these disasters and funding should happen on a larger scale. She points out that the US Federal Emergency Management Agency (FEMA) only funds disasters recovery. Moreover, when disasters occur, there is what services should do and what they can do, given what is at hand. The interest of the training provided is therefore to give the keys to act, upstream and downstream, and to adopt the right actions according to the different types of disasters.

Vanessa Olry and Camille Rouffaud, Master’s Degree students in Archival Studies, Angers University

 

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