18 juin 2024. Université d’Angers

Par Patrice Marcilloux

 – la question de l’enfance déplacée et des migrations contraintes d’enfants dans des contextes coloniaux ou post-coloniaux

– les processus de patrimonialisation des archives orales et les conditions de leur revisite ou réutilisation, quels qu’en soient les logiques et les objectifs, scientifiques ou non

– les archives comme objets socialement construits à la faveur d’interactions multiples et diachroniques, susceptibles de fonder des récits successifs et donc de nourrir des mécanismes de construction et d’affirmation des individualités, en situation traumatique ou pas.

Son ambition est de considérer les formes, lieux, moyens et contenus, ainsi que les enjeux et fondements théoriques des diverses formes d’interactions entre archives orales et personnes concernées, qu’elles soient directes ou indirectes, provoquées ou fortuites, individuelles ou collectives. La notion de personne concernée sera ici entendue de manière large, une personne pouvant être considérée comme concernée soit parce que son témoignage est recueilli soit parce qu’elle est intéressée ou impliquée par le témoignage oral d’autres personnes puisqu’aussi bien toute parole enregistrée comme tout document d’archives peut être érigé en ego-archives c’est-à-dire en outil d’affirmation ou de construction subjective par un individu. Ici : préciser si on reste en contexte colonial ou si on élargit

Plusieurs thèmes ou voies d’approches peuvent être envisagés.

Thème 1 Ingénieries

Une première approche peut consister à s’intéresser aux modalités et dispositifs imaginables pour susciter ou accompagner des situations d’interactions entre personnes concernées et archives orales : édition et diffusion plus ou moins large d’enregistrements sur des supports physiques, publications de toute nature, présence muséographique, mises en ligne et réalisation de podcasts, éditorialisations, pratiques de transcription participative, produits dérivés etc. Les communications peuvent ici prendre la forme de retours d’expérience comme de réflexions prospectives, des usages sociaux des archives orales essentiellement collectifs pouvant par exemple être déclinés ou réorientés dans une dimension plus individuelle.

Compte tenu de leur caractère innovant et de leur éventuel impact pour les individus concernés, une attention particulière est attendue pour tout ce qui pourrait ressortir des logiques de performation des archives orales : lectures publiques ou privées, collectives ou groupales, mises en scène théâtralisées, écritures historiennes participatives ou collaboratives, remédiations ou créations artistiques etc.

Les acteurs et intervenants de tous ces dispositifs paraissent devoir être envisagés en tant que tels : acteurs scientifiques ou patrimoniaux mais aussi acteurs associatifs ou encore médiateurs spécialisés plus ou moins commerciaux.

Thème 2 Précautions

Compte tenu du caractère sensible et éventuellement traumatique des mémoires individuelles et collectives ici visées, un axe de réflexion paraît devoir être consacré aux précautions et attentions qui doivent présider à toutes les occasions de mise en relation des personnes intéressées avec des archives orales les intéressant directement ou indirectement.

Cette dimension de bienveillance et de respect mérite d’être étudiée à toutes les étapes de la vie des archives orales, depuis leur constitution jusqu’à leur exploitation, en passant par leur diffusion et leur restitution. Pareil positionnement suppose évidemment des appareillages juridiques adaptés, qu’il s’agisse de la contractualisation du recueil de la parole ou du respect du droit à la voix éventuellement conçu comme un des droits de la personnalité. Il nécessite aussi un effort de théorisation de la relation entre enquêteurs, enquêtés et éventuels intermédiaires : logiques de don et contre-don, voies et formes de l’empathie, place des accompagnements psychologiques. Il soulève enfin la question de la responsabilité des collecteurs, historiens ou détenteurs d’archives orales : quels outils déontologiques pour quelle proactivité ?

Thème 3 Réceptions

Les logiques de l’après ne sauraient être ignorées tant du point de vue empirique que des approches plus théoriques. Quelle est la nature des effets espérés ou observés sur les personnes concernées : empouvoirement et renforcement du pouvoir d’agir ou vertus thérapeutiques ? Renforcements identitaires ou d’affiliations collectives ? Comment penser ce qui se joue dans l’interaction entre les personnes concernées et les archives orales : mise en récit, recherche de sens ou mise à jour d’une mémoire involontaire ?

Orientation bibliographique :

Charlebois (Catherine), Leclerc (Jean-François), « Les sources orales au cœur de l’exposition muséale. L’expérience du Centre d’histoire de Montréal », Revue d’histoire de l’Amérique française, 2015, vol. 69, p. 99-136.

Cook (Terry), « Archival science and postmodernism : new formulations for old concepts », Archival Science, 2001, n° 1, p. 3-24.

Descamps (Florence), Archiver la mémoire : De l’histoire orale au patrimoine immatériel, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2019, 216 p.

Girault (Bénédicte), Mémoires d’un ministère. Une analyse secondaire de l’enquête orale du Service d’histoire de l’éducation (c. 1950-c. 2010), thèse de doctorat, université de Cergy-Pontoise, 2018.

Kaufmann (Jean-Claude), L’entretien compréhensif. sous la direction de Kaufmann Jean-Claude. Armand Colin, 2016, 128 p.

Klein (Anne), Archive(s), mémoire, art. Éléments pour une archivistique critique. Québec, Presses de l’université Laval, 2019, 252 p.

Laurens (Sylvain), Neyrat (Frédéric) coord., Enquêter : de quel droit ? Menaces sur l’enquête en sciences sociales, Bellecombe-en-Bauges, éditions du croquant, 2010, 320 p.

Legois (Jean-Philippe), Les archives orales à l’épreuve de l’histoire et des mémoires des contestations étudiantes des années 1968, thèse de doctorat, université d’Angers, 2023.

Marcilloux (Patrice), Les ego-archives, traces documentaires et recherche de soi, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, 250 p.

Mouchenik (Yoram), « Ce n’est qu’un nom sur une liste, mais c’est mon cimetière ». Traumas, deuils et transmission, chez les enfants juifs cachés en France pendant l’Occupation, Paris, La Pensée sauvage, 2006, 173 p.

Pollak (Michael), L’expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l’identité sociale, Paris, Métailié, 1990, 342 p.

Programme

 

Organisateur-rices

Patrice Marcilloux, Zoé Grumberg et Bénédicte Grailles

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