Par Jérôme Kirion et François-Xavier Auger

« Objets-archives, Archives-objet », le thème de de la XXIe Journée d’archivistique d’Angers, qui s’est tenue le 10 février 2023, invitait à l’interdisciplinarité. La journée s’est donc ouverte par le « regard extérieur » de deux sociologues, Thibaut Menoux et Séverine Misset. Chercheurs au Centre nantais de sociologie (CENS UMR 6025), ils collaborent au projet « MATOS-PDL, Mémoires, Archives, Transmission des Objets militantS en Pays de la Loire » et portent une attention particulière aux objets. Leur formation alliant la sociologie à l’anthropologie pour l’une et à l’histoire pour l’autre a alimenté leur goût pour les décloisonnements disciplinaires.

Dès sa maîtrise sur « le sentiment de l’Ostalgie », Thibaut Menoux s’est trouvé confronté à des objets, souvent supports de fétichisation, tels ces biens de consommation en Allemagne de l’Est parfois re-commercialisés après la réunification. Il considère que les sociologues devraient s’intéresser à l’objet, à la fois comme témoin d’un passé mais aussi parce que leur matérialité constitue du “social objectivé” (P. Bourdieu), c’est-à-dire que les objets matérialisent des logiques sociales. La prise en compte des objets donne des éléments de compréhension des organisations, par exemple sur la circulation des savoir-faire ou les enjeux de pouvoir. C’est avec cette conviction et ce souci de l’interdisciplinarité que les deux sociologues participent au projet MATOS, qu’ils ont abordé comme une « enquête par familiarisation » dans laquelle ils ont d’abord été déconcertés par la découverte du monde de l’archivistique pour ensuite percevoir ce qui est saillant dans le monde social des archives.

Le projet MATOS, porté par des historiens, des archivistes et des sociologues, a pour objectif d’étudier la place des objets dans les archives et les pratiques archivistiques qui y sont liées. Le constat est double : d’une part, il existe des questions techniques sur la collecte, la conservation, la description et la communication des objets dans les archives ; d’autre part, il y a un manque dans l’histoire des objets, sur la production, la diffusion et la transmission des objets militants.

L’ensemble de ses partenaires témoigne d’une grande diversité des pratiques et des situations, surtout dans ses inventaires et récolements. Les membres du projet cherchent à comprendre l’origine de cette diversité de pratiques et à identifier les points communs entre elles.

Les chercheurs souhaitent également réaliser un inventaire documenté des objets conservés par les partenaires et identifier les problèmes de conservation et l’intérêt de ces objets pour l’histoire économique. Le projet ne se limite pas aux objets conservés dans les locaux des centres d’archives, car un grand nombre de ces objets peut être conservé en dehors de ces centres pour des raisons professionnelles ou militantes.

Le projet MATOS a pour ambition de fournir un angle inédit sur les pratiques professionnelles et privées sur les archives, en croisant les regards de différents domaines. La démarche est novatrice et nécessaire pour mieux comprendre l’histoire et la société dans lesquelles nous vivons.

Retrouvez toute l’intervention en vidéo

---

---