La place des objets en service d’archives : un état des lieux des pratiques françaises, par la promotion 2022-2023 du master 2 Archives de l’université d’Angers

Par Maëly Henry et Océane Henry

À l’occasion de la XXIe Journée d’archivistique d’Angers le 10 février 2023 les étudiant·es en deuxième année du master Archives de l’université d’Angers, représenté·es par Lucile Suire et Madeleine du Boislouveau, ont réalisé un état des lieux des pratiques françaises sur la présence et la gestion des objets au sein des services d’archives français. Pour cela, ils ont constitué deux sources : un questionnaire partagé sur l’ensemble des réseaux d’archivistes professionnels en décembre 2022 et qui a reçu 129 réponses ; des entretiens avec six services d’archives des Pays-de-la-Loire (archives municipales du Mans, de Nantes, archives départementales de la Mayenne, de Maine-et-Loire, archives de l’université de Nantes et archives diocésaines de Tours). L’enjeu était de comprendre comment les services d’archives sont amenés à conserver les objets et quels enseignements ils tirent de cette pratique.

L’origine des objets en archives

Le questionnaire a révélé que les archivistes sont réellement confrontés à la question des objets. En effet, la collecte d’objets en service d’archives n’est pas marginale et concerne une majorité des répondants. Cependant, il n’y a aucune stratégie de collecte pré-établie autour des objets. Parfois, les archivistes ne sont pas au courant de la présence d’objets dans les fonds, il peut y avoir des surprises lors des collectes. L’entrée isolée d’objet est assez rare, car, dans ce cas de figure, les archivistes préfèrent souvent rediriger vers une autre institution patrimoniale. Néanmoins, les archivistes respectent systématiquement la notion de respect des fonds. Ainsi s’ils parviennent à prouver le lien intellectuel entre l’objet et le fonds d’archives, ils conservent l’objet.

Grâce aux entretiens oraux, les étudiants de M2 ont pu affiner la définition des objets en archives, bien que cela soit complexe. Les objets sont assimilés à des archives quand ils sont perçus comme porteurs d’un sens et d’un témoignage. Ces objets se trouvent autant dans les fonds publics que dans les fonds privés. Il en existe des typologies très variées : des objets liés à des événements historiques ou patriotiques, des objets communaux, des objets religieux, des objets utilitaires, des objets issus de contexte scientifique, des objets militants, des objets mobiliers ou encore des objets produits dans un cadre artistique.

Le traitement archivistique des objets

Le questionnaire met en exergue que chaque service procède à sa manière en matière de traitement d’objets. Les normes de description archivistique ne sont généralement pas jugées adaptées aux objets. C’est pourquoi, près de la moitié des services déclarent ne pas avoir de système de description.
De nombreux normes ou standards sont donc mobilisés sans qu’il y ait consensus : une norme archivistique (ISAD-G), des normes muséographiques (Musée de France, Cataloging Cultural Objects), une norme bibliothéconomique (ISBD-NBM) ou encore une fiche Avenio. Certains déplorent l’absence de circulaire pour encadrer l’archivage des objets. Par ailleurs, diverses pratiques de classement ont pu être observées. Les archivistes affirment vouloir appliquer le respect des fonds mais souvent les objets sont isolés et extraits des fonds pour abonder des collections. Pour traiter les objets, certains services ont créé des séries ou sous-séries spéciales.

Concernant la conservation de ces objets, peu de recommandations précises. Le principal problème concerne la volumétrie et le besoin de conditionnements particuliers. Concernant d’éventuelles restaurations, les documents d’archives sont priorisés par rapport aux objets, sauf dans l’optique d’une valorisation particulière.

Archivistes et objets : une relation ambiguë

Les archivistes ne se sentent pas armés pour prendre en charge des objets et n’hésitent pas à demander conseil à d’autres institutions patrimoniales, notamment les musées, afin d’assurer la meilleure conservation possible. Les archivistes ne prennent pas tous les objets qui leur sont proposés : ils les redirigent souvent vers des institutions muséales ou alors ils réalisent des accords ponctuels avec ces institutions. Musées et services d’archives peuvent être amenés à se partager des fonds. C’est le cas des archives départementales de la Mayenne pour le fonds d’un ancien ambassadeur et explorateur du 18e siècle qui comprenait à la fois des dossiers et des objets.

Pourtant, un des paradoxes est que les services d’archives possèdent aussi des objets parce que ceux-ci ont été refusés par les musées, faute de valeur artistique identifiée.

Les objets sont donc un vecteur de relation entre différentes professions du patrimoine mais sont aussi les témoins d’un rôle plus large des archivistes, parfois le dernier rempart avant la destruction de certains objets. Pour autant, ceux-ci sont partagés face à la conservation des objets. Plus de 63 % des archivistes interrogés les trouvent encombrants et plus de 36 % estiment la conservation difficile. Toutefois, 90 % affirment que les objets ont leur place dans les services d’archives. Ils sont utiles en valorisation, notamment lors d’expositions ou d’ateliers pédagogiques.

Conclusion

Les objets sont présents dans de nombreux services d’archives et peuvent être une source de difficultés, notamment en termes de place, de conservation et de description. Il est évident que les archivistes, pour leur grande majorité, estiment que les objets ont leur place dans les services d’archives, mais beaucoup d’entre eux ressentent un manque d’outils et de structuration vis-à-vis de ces objets. Il est à préciser que plusieurs d’entre eux ignorent la quantité d’objets qu’ils possèdent. Ils ont donc émis le souhait de réaliser des inventaires précis ainsi que des campagnes de numérisation, tout en ayant conscience du coût humain et financier de ces opérations. Les objets ont toujours fait partie intégrante des fonds mais ont souvent été laissés de côté au point que le rôle des archivistes face à cette typologie n’est pas pleinement reconnu en comparaison avec d’autres professionnels du patrimoine. Toutefois, l’archiviste peut apporter un regard nouveau sur les objets.

Retrouvez l’intervention en vidéo


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ALMA (10 décembre 2024). La place des objets en service d’archives : un état des lieux des pratiques françaises, par la promotion 2022-2023 du master 2 Archives de l’université d’Angers. ALMA. Consulté le 9 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12vvw


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