Par Clémence Tandeau et Jade Lespinasse
Pascale Goetschel, professeure d’histoire contemporaine à l’université Panthéon-Sorbonne et directrice adjointe scientifique de l’INSHS-CNRS, est intervenue lors de la XXIe Journée d’archivistique d’Angers le 10 février 2023, pour interroger la manière de faire une histoire des objets militants, de leurs usages, de leurs significations.
En introduction, Pascale Goetschel rappelle que faire l’histoire des objets est à la mode, à tel point que certains parlent même d’un tournant matériel qui aurait eu lieu au début des années 2000, comme d’un retour aux sources. C’est un sujet interdisciplinaire qui fait écho à l’anthropologie, à la sociologie, à l’éthologie, qui se rapporte à une question, celle de la technique, point essentiel de l’histoire culturelle. Ce qui est donc questionné ici, c’est l’usage des objets. Ce qui est intéressant, c’est la manière dont les objets circulent, le sens qui faut leur attribuer selon les sociétés dans lesquelles ils sont utilisés.
Pascale Goetschel débute son propos en prenant l’exemple de l’exposition « Disobidient Objects » à Londres en 2014, qui portait sur l’utilisation de nouveaux objets, leur technique d’utilisation, donnant lieu à une histoire par les objets. Elle y introduit la notion de patrimoine militant, à la croisée de trois considérations. D’abord, les objets participent à un parcours insurrectionnel. L’objet militant est un produit pour faire connaître et financer la lutte sociale, il constitue un témoignage des luttes et des contestations. Ensuite, l’objet est aussi industriel. Il est produit dans un cadre habituel mais qui est aussi détourné de son usage. Enfin, l’objet est un objet artistique, un objets muséal mais aussi un objet d’archives.
Ensuite, Pascale Goetschel évoque la manière dont la culture matérielle contient en elle du politique. Il s’agit de connaître le contexte et l’utilisation des objets industrialisés. L’objet militant est un objet de qualité qui permet de communiquer et de médiatiser autour du conflit. L’objet donne lieu à des formes de performativité et à des pratiques sociales. Il parle et raconte le plan d’action. L’objet en dit autant que le reste pour ce qui est de la pratique de la lutte. Pascale Goetschel donne un exemple en évoquant les vêtements et les accessoires, dont l’utilisation des costumes de scène qui théâtralise le militantisme. Il y a ici une dimension de subversion. Regarder la vie des objets, c’est un moyen de les politiser.
Enfin, Pascale Goetschel pose la question de la manière dont les émotions passent par les objets politiques et dont elles sont activées par ceux-ci. L’objet a la capacité de réactiver le passé, de nous faire voyager dans le temps. Les objets ont un usage symbolique, sources de lutte sociale. Les objets donnent lieu à des envies particulières. Pascale Goetschel évoque pour finir l’histoire tactile, le toucher permettant de faire l’étude et l’analyse d’un objet. Elle conclut en marquant l’importance de la distinction entre l’histoire des objets et l’histoire par les objets, d’où l’intérêt de faire de l’histoire culturelle et matérielle.
Retrouvez l’intervention en vidéo
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ALMA (14 janvier 2025). Comment faire une histoire culturelle des objets ? Par Pascale Goetschel. ALMA. Consulté le 9 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/132uy